Longtemps, Isabelle Huppert a aimé jouer les fillettes. Son
personnage de la Dentellière en avait fait la Galathée neurasthénique du cinéma français; mais son érotisme diaphane rappela vite les jeunes filles aux seins nus de Balthus. Liberté, alacrité, perversité: c'était la devise. A 28 ans, elle avait déjà quelques grands rôles derrière elle, des rôles mordeurs comme son désir de «trop bien vouloir vivre»: Violette Nozière, Loulou, Sauve qui peut la vie. On était en mai 1981. Cette année-là, elle expliqua aux Cahiers du cinéma: «Je ne veux pas me vieillir à l'écran. Je crois que je ne veux pas jouer les mères. C'est très réaliste, une mère.» Après six ans de psychanalyse, elle n'arrivait pas à faire d'enfant et pensait qu'être actrice, c'était «séduire son père». Elle détestait son profil gauche, concentré joufflu de cet «unique problème»: «un visage très large, un visage de l'Est». Claude Chabrol, son mentor ironique et ami, aimait parfois caresser ce profil traître du bout de l'objectif, pour rendre folle sa future Bovary. Bref, si l'actrice était au sommet, la femme semblait plutôt dans la crevasse.
Seize ans et deux enfants, bientôt trois, plus tard, son visage s'est sculpté. Elle est plus belle que jamais. Son minois d'amazone est relevé par une voix perchée, bourgeoise, parfois presque sèche, qui rappelle son éducation éclairée dans une maison de Ville-d'Avray. L'oeil est abandonné à sa vivacité sous des fins sourcils de seigle. Ni mascara, ni fond de teint: celle qui