Dans sa loge glaciale, il vous tend un biberon rempli d'une peu
ragoûtante mixture marronnasse. «Rien de tel pour s'éclaircir la voix.» Et soigner son haleine. En guise de verre de l'amitié, du jus d'oignon sucré. Ian Dury, crade un jour, crade toujours. Mais toujours aussi perversement élégant, accueillant, attentionné. En vingt ans, la silhouette s'est épaissie. L'auteur de l'hymne slogan de l'ère punk, Sex and Drugs and Rock' n' Roll, a perdu son allure de voyou malingre, de Gene Vincent polio cuir. Le cheveu est blanc, ras, la tête énorme. Mais le regard reste malicieux, le rire tonitruant, la gouaille intacte. A 56 ans, alors qu'il regoûte au succès populaire, l'idole cockney décalée se bat comme un beau diable boiteux contre un cancer du foie. «La tumeur a été décelée alors que j'achevais mon album. Polanski, avec qui j'ai tourné Pirates, disait toujours à ses comédiens: "Quoi qu'il arrive, faites comme si c'était prévu. Je n'ai jamais agi autrement toute ma vie: ne rien attendre sauf l'imprévisible. C'est la meilleure garantie de ne pas être déçu, de s'amuser.» Optimiste, Ian Dury l'a toujours été. Question de logique, de lucidité. Et tant pis si ses jours sont désormais comptés. «Je me suis vraiment préparé à mourir, mais il ne faut pas en rester là. C'est étrange: je dois à la fois m'attendre à claquer d'un jour à l'autre tout en demeurant le plus dynamique, le plus ouvert possible à la vie. Lorsque l'on contracte la polio dès l'âge de 7 ans, autant se faire à l'id