Dehors, il neige dans le noir. Silence d'hôpital, le soir. Willy
Rozenbaum, médecin spécialiste du sida, prend des nouvelles d'une infirmière. Elle revient de congé maternité. Il commente: «On est le service qui détient le record de grossesses parmi les soignants.» Il parle aussi de lui. Du besoin de paternité (deux filles) qui lui est venu au plus fort de l'épidémie, quand son équipe de l'hôpital Rothschild devait affronter une dizaine de décès par semaine. Il dit que c'est tout bête mais que c'est ainsi, que la vie doit répondre à la mort, que «l'hiver n'est supportable que s'il y a un printemps». Rozenbaum est devenu médecin pour que les hommes cessent de mourir. Dans son dernier livre, il écrit: «J'avais en tête un objectif immature et fantasmatique: rendre les gens immortels.» Arrogance d'enfant, obsession absolue. Et il s'est retrouvé en première ligne d'une épidémie d'autant plus ravageuse que l'Occident pensait avoir établi un cordon sanitaire autour de sa longévité. Du désastre de ces décès fracasseurs de la confiance d'une civilisation, il émerge troublé et rasséréné à la fois, avouant: «Nous n'avons pas assez conscience que la mort inscrit le renouvellement, tandis que l'immortalité induit l'immobilité.» Aucune acceptation de la fatalité pour autant. Charmeur, blagueur, l'homme est un lutteur. Jamais vraiment militant des causes révolutionnaires mais jamais très éloigné, ce baby-boomer (53 ans) a bataillé contre la guerre du Viêt-nam et pour les sandinistes du Ni