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Libération
Portrait

Elisabeth Wust, 85 ans. Mariée à un nazi ordinaire, puis amoureuse d'une juive morte en camp qu'elle célèbre dans «Aimée et Jaguar». A Felice.

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publié le 5 février 1999 à 23h37

Sans les deux photographes qui la flashent, personne n'aurait

remarqué cette vieille dame toute frêle. Madame Wust avance courbée sur une canne. Ses 85 ans l'obligent à mesurer chaque pas. Son visage est las. Sa façon de tirer sur sa cigarette, un rien vulgaire. Son dernier métier? Femme de ménage. Ses premiers mots, destinés aux photographes qui l'assaillent: «J'aurais dû me faire couper les cheveux.».

Cette vieille femme à l'air ordinaire est l'une des deux héroïnes du film qui fera l'ouverture du Festival de Berlin, le 10 février: Aimée et Jaguar (1). Derrière ses rides, Madame Wust cache un drame que même le plus audacieux réalisateur d'Hollywood n'aurait pas osé imaginer. L'histoire d'une passion entre une Allemande et une juive. Sur fond de national-socialisme.

En 1942, Elisabeth Wust est une jeune épouse modèle, surnommée Lilly. Mère de quatre garçons, décorée à ce titre de la médaille de bronze du mérite maternel. Son mari, employé de banque, se bat dans les rangs de la Wehrmacht. Ce n'est pas un «Nazi fanatique», assure-t-elle: juste un «bon Allemand», convaincu que «l'Allemagne doit retrouver sa grandeur». Les enfants jouent aux petits soldats avec un Hitler en terre cuite. L'horizon de madame Wust est clairement défini: «Avoir des enfants, laver les langes, s'occuper de la maison, du mari.»

Lilly s'absorbe dans ce rôle jusqu'au jour où elle rencontre Felice Schragenheim. Son antithèse parfaite. Elégante, cultivée, débordante d'énergie et de joie de vivre, mais traqué

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