Dans sa maison au creux d'un vallon humide non loin de Metz, Sylvie
Rouy, atteinte du sida et de l'hépatite C, reçoit les journalistes sans discontinuer. «Là-bas, je n'aurai pas grand-chose à dire. Il faut que je me fasse entendre maintenant.» Devant la Cour de justice de la République, qui doit juger à partir de mardi Laurent Fabius, Georgina Dufoix et Edmond Hervé pour «homicides involontaires» et «atteintes involontaires à l'intégrité physique», elle ne sera que témoin le mécanisme particulier de cette instance d'exception empêchant les victimes de se constituer partie civile. Elle en conçoit de l'amertume, laisse échapper quelques colères vite rentrées, mais ne lâche jamais le fil. «Etre battante» est son credo. Sylvie Rouy n'a rien d'une professionnelle de la douleur au discours formaté. Les années quatorze ans depuis sa contamination l'ont peut-être rompue à cet entre-deux: retenue et offensive, raison et diatribe.
L'intérieur est coquet des meubles en bois clair assombris par de lourds rideaux verts et son occupante s'y fond à merveille: assez ronde, bien portante malgré la trithérapie ou grâce à elle. La maison figure à la fois son sanctuaire et son quartier général, qu'elle quittera le 9 février à l'aube pour témoigner à Paris. Quand passera-t-elle à la barre? Aucune date n'est fixée, et cette inconnue la contrarie, puisqu'elle ne pourra assister aux audiences avant d'avoir déposé, recluse avec les autres témoins dans une salle annexe. Une convocation, por