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Libération
Portrait

Malika Oufkir, 45 ans. En exil après vingt ans de détention, la fille du général qui voulut chasser Hassan II expie la faute de son père. L'engeôlée

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publié le 22 février 1999 à 23h49

Elle a froid. Trop de gris-Paris, trop de ciel, trop de vide. Elle

resserre le châle blanc sur ses épaules. Propose du café. Demande si la fumée ne dérange pas. Civilité exquise, maintien naturel, français parfait. Malika Oufkir a passé les deux tiers de sa vie enfermée et ne réussit qu'à demi à sortir du harem royal de son enfance, des prisons de sa jeunesse. La liberté la perturbe, l'exil lui pèse. Le Maroc de ses souffrances, le Maroc, ce pays où, écrit-elle (1), «on enferme les enfants pour les crimes de leurs pères», le Maroc lui manque. Elle se languit de «la chaleur humaine, de la générosité, de l'humour» de ses compatriotes qui ont laissé Hassan II les mettre au secret vingt ans durant: elle, sa mère et ses 5 frères et soeurs, après le coup d'Etat manqué par son père, le général Oufkir. Dans cet appartement anodin du XIIIe arrondissement, les cartons de déménagement intacts portent le tampon de Rabat et, au milieu des photos de famille, se glissent Humphrey Bogart et Ingrid Bergman dans Casablanca. Malika loge désormais là avec son mari, un architecte français, épousé récemment. Mais elle n'envisage pas de demander sa naturalisation: «Pas question. Je reste marocaine.» Les deux pères. Malika a eu deux pères. Et cela ne fait que redoubler ses déchirements. Oufkir lui donne la vie. Hassan II l'adopte et l'éduque. Le général et le roi. L'homme fort du régime et le «commandeur des croyants». Le premier flic du royaume, l'exécuteur des basses oeuvres mais aussi le dénonci