Bernard Thibault campe. Au huitième étage de l'immeuble en verre et
béton du siège de la CGT, porte de Montreuil, il accueille son visiteur dans les meubles du précédent locataire, Louis Viannet. Sur les étagères, les statuettes de mineurs, cadeaux des délégations, continuent à côtoyer l'encyclopédie reliée cuir. «Les fleurs ont changé», précise-t-il. Et une locomotive miniature, offerte par des cheminots étrangers, a surgi. Cela semble lui suffire pour le moment. La décoration attendra que le nouveau secrétaire général trouve le temps d'y penser. La vie est ailleurs, là où est le devoir. «Quand je m'engage, je vais au bout.» Ce qui reste de temps en dehors de la confédération doit être consacré aux enfants, à son épouse. «Elle est malheureusement devenue, aux yeux de beaucoup, "madame Thibault. Du coup, moi je milite à fond et elle plus du tout.»
Chez les Thibault, on n'est pourtant pas militant de père en fils, et même on ne parle pas politique. Le père et la mère sont montés à Paris, chassés du Morvan par l'exode rural. Un seul salaire de bûcheron à la ville de Paris, c'est maigre avec trois enfants à charge. Après le collège: «Mes parents m'ont fait sentir qu'ils avaient besoin de moi», dit-il. A défaut d'Air France, Bernard intègre l'école d'apprentissage de la SNCF, «parce qu'elle rétribuait les apprentis». Un salaire, même petit, «c'était l'indépendance, la Mobylette». Assidu au Bol d'or, il n'abandonnera son «gros cube» qu'à cause de ses enfants: «Deux, c'était trop po