Si l'attrait d'un individu s'estime à l'aune des commentaires qu'il inspire, Paolo Branco vaut sacrément le détour. Ses amis comme ses détracteurs le qualifient de «pirate et marlou», de «sauveur et séducteur», édifiant ainsi une légende aussi floue que souterraine, loin du milieu cinématographique people et de ses coteries. Fauché mais abonné aux sélections cannoises, ce Portugais très français revisite à sa façon le mythe du producteur de cinéma un peu démiurge, un peu bandit, toujours finaud. S'il fallait lui trouver un seul mérite, ce serait celui de l'obstination: les films d'auteur, encore et toujours. Ceux qui ne font pas courir les foules mais «marqueront l'histoire». En vingt ans, il en a produit environ 120, de son vieux mentor et compatriote Manoel de Oliveira à Cédric Kahn (l'Ennui, prix Louis-Delluc), des inclassables Raoul Ruiz et Sharunas Bartas aux réalisatrices Laurence Ferreira-Barbosa et Catherine Corsini sa Nouvelle Eve détient le record du meilleur succès maison: 500 000 entrées.
Pour ces cinéastes, Branco représente souvent l'ultime recours quand partout ailleurs les portes se ferment. «Il fait les films que personne ne veut faire», dit Catherine Corsini. Son projet à elle fut accepté comme ça, à l'instinct, sans même lecture du scénario. «Les scénarios? Je m'en fous royalement. Aujourd'hui, on juge tout là-dessus. Mais ça ne donne pas forcément un bon film.» Calé derrière son bureau d'angle sous l'affiche grand format du précédent Oliveira Inquiétud