Un coeur transpercé d'un poignard, un diable rouge brandissant une
fourche, d'inquiétantes têtes de mort hilares et, au milieu d'une pluie d'étoiles multicolores et de flammes orange, l'inscription: «Hell in my heart» («L'enfer est dans mon coeur»). Difficile de décrocher son regard de la fresque dantesque qui orne les bras couverts de tatouages de Marc Almond. Pas les biceps épais, musclés, menaçants d'un yakusa nippon ou d'un camionneur teuton. Non, des bras fins et frêles. Comme si deux petits serpents s'échappaient des manches du T-shirt forcément noir du crooner déviant britannique.
«Ça fait un moment que je ne me suis pas fait faire un nouveau dessin. Peut-être que j'en ai moins besoin. Ça vaut mieux, il ne reste plus de place.»
A 42 ans, Marc Almond, attablé dans le décor rustique d'un restaurant de la place des Vosges, a conservé son air de Pee-Wee humain, de Tintin lubrique. Il parle beaucoup et vite, un léger bégaiement freinant son débit saccadé d'éternel ado enthousiaste. Tout en grignotant une raie, il exulte. Il est content de son nouvel album, Open All Night. Il peut l'être. Car si le disque, empli de torch songs intimistes pour cabaret trip-hop dont un savoureux duo avec sa vieille copine Siouxsie («Le papa et la maman du mouvement gothique enfin réunis!») , n'atteint pas le lyrisme sulfureux de son sombre chef-d'oeuvre de 1987, Mother Fist («la Veuve poignet»), il marque un jalon de plus dans l'un des parcours les plus palpitants et singuliers de ces vingt