Il ne savait plus trop. Il avait été au Nord, au Sud, en Arctique,
en Antarctique, à ski ou en traîneaux à chiens, seul ou avec d'autres cosmonautes de l'inutile. Jean-Louis Etienne, aventurier des pôles, se sentait démagnétisé. C'était comme si la limaille de ses ambitions n'était plus aimantée par aucun besoin de reconnaissance. On pensait qu'il allait se grimer en Cousteau du grand blanc, en Tazieff des éruptions écolos, en Paul-Emile Victor de l'ère média-télé. On le bombardait déjà pédagogue-conteur à accent chantant, vulgarisateur scientifique en Pataugas. Mais lui ne savait plus bien. Il craignait de finir «en marionnettiste de soi-même». Il s'imaginait comme «un hamster affamé, faisant tourner la roue sans fin de son personnage». Alors, il s'est mis «en jachère». Il est parti construire sa cabane dans son Tarn natal. La terre est pauvre comme l'était sa famille. Les chênes poussent petits et maigrelets, à son image. Au loin, on voit le clocher du village où il est né une nuit d'hiver et de grand vent. Il n'a pu résister au retour au bercail. Dans ses mémoires (1), il écrit: «Tout voyageur au long cours est à la recherche d'un havre, d'une maison, d'un lieu, où il sait qu'il va pouvoir poser son sac et ses souvenirs.» Mais comme pour foutre le feu à cette régression, il reprend vite ses distances, nuançant: «Racines de vie, oui. Enracinement-prison, non.» Il n'a pas réinvesti la maison des siens, il a planté son envie d'apaisement sur des pilotis de bois, béquilles de