Chiyogiku, qui signifie «la joie éternelle», s'avance à pas menus, vêtue d'un kimono. Elle s'installe à la terrasse d'un café français du quartier d'Akasaka. Mains soignées, peau blanche" une geisha telle qu'on l'imagine, à un détail près: un portable couleur mauve dépasse des plis de son obi, la large ceinture nouée par-dessus le kimono. Déception. Elle s'en amuse. «Avec ça, je suis sûre de ne jamais manquer un rendez-vous! C'est dur en ce moment, vous savez"»
Le monde mystérieux des belles aux manches de soie n'est presque plus qu'un souvenir. Les «geishas», littéralement «personne qui pratique les arts», ne sont plus que 70 à Akasaka. Elles étaient plus de 200 il y a vingt ans. Enseignes modernes agressives et architecture high tech ont métamorphosé ce quartier de plaisir qui était l'un des plus élégants de Tokyo avec ses rues étroites aux maisons de bois qu'enfilaient dès la tombée du jour les limousines des politiciens, hommes d'affaires et diplomates.
C'est elle qui a choisi le Café des prés. Elle a coutume d'y déjeuner le midi à ses moments de loisirs, de plus en plus fréquents. Un plat de pâtes, arrosé d'un verre de vin rouge. «Je n'aime pas le saké. A part ça, je suis très japonaise.» Contrairement à ses aînées, vendues par leurs parents car issues de milieux très pauvres, Chiyogiku a toujours voulu «être artiste»: «J'aimais le spectacle, j'aimais qu'on me regarde.» Petite, son jeu favori était de poser au milieu des mannequins dans la vitrine de la boutique de son