Costume sombre-cravate, le Tout-Rabat bruisse dans l'attente de l'arrivée du monarque. Mantille et tailleur noirs, une femme vient chuchoter au petit homme en chemise à carreaux ouverte, gros cigare à la main et veste pas d'aplomb combien ses enfants sont heureux de l'avoir revu à la télévision. «Après toutes ces années.» Peu avant, à l'université de Rabat, Ahmed Senoussi, dit Bziz, veste encore moins d'aplomb, lunettes rondes, cheveux grisonnants, était littéralement porté en triomphe par gauchistes et islamistes. Ensemble. Comme s'il était seul à pouvoir les mettre d'accord en les faisant hurler de rire. Mêlant formules corrosives, expressions populaires et jeux de mots souvent intraduisibles, il conte le quotidien des Marocains et leur rapport aux puissants dans une improvisation ininterrompue. A 44 ans, Ahmed Senoussi est probablement le satiriste le plus hilarant" et le plus politique du Maghreb. «Au Maroc, jusqu'à la prison tout va bien», lance-t-il. Et il brocarde à l'infini celui qui fut le tout-puissant et inamovible ministre de l'Intérieur de Hassan II. «Basri a traité les opposants à l'électricité pour les mettre au courant.» Il n'a pas attendu le (récent) limogeage du symbole des années noires pour en faire sa tête de turc et dénoncer «la liberté d'expression totale de Basri pour nous arrêter et nous interdire». En fait, il déteste comme il respire le maghzen, ce système fondé sur le clientélisme et les passe-droits.
Avant les années 80, quand silence rime avec su