A l'est de Beyrouth, cette femme vit dans le péché. A l'ouest aussi,
dans les quartiers arabes, elle est zinâ. La faute d'Ugarit Younan? Elle vit avec son homme. Pas mariée, à la barbe du mufti et au goupillon des chrétiens. «C'est dur, vraiment.» Silhouette solide, beau visage calme, voix grave, la fondatrice du Mouvement pour les droits humains fut universitaire dans une première vie et milite depuis vingt ans pour le droit au mariage civil, inexistant au Liban. «Juste un droit, on n'oblige personne. Qu'on ait le choix, c'est tout. Mais même facultatif, les religieux refusent le mariage civil.»
Le Liban est grand, dans sa multiconfession. Célibataires, veuves, divorcées, secondes épouses, femmes répudiées, jeunes mariées converties sans foi, chaque femme, sous condition en se mariant d'adopter les codes de l'une des dix-huit confessions légales, trouve sa place dans la société. Sauf celles qui, comme Ugarit Younan, n'ont jamais apposé leur nom au bas d'un parchemin. Son contrat, dit Ugarit, c'est l'union libre et laïque. Deux mots qui font peur à ses voisins d'Achrafieh, quartier chrétien à l'est de Beyrouth: «Il y a ceux qui m'ignorent, ceux qui me jettent des regards durs, ceux qui ne m'adressent la parole que lorsque leur femme n'est pas là"» A 43 ans, malgré un grand amour qui dure avec Walid, elle n'aura pas d'enfant, «mal vue» aussi pour cela. Un bébé de l'union libre serait «hors la loi».
Hors les lois plutôt, tant les codes sont nombreux et contradictoires dans ce pay