Peu avant le 20 juillet 1969, des émissaires de l'agence spatiale
américaine sont venus au Mali annoncer une nouvelle étonnante: des hommes allaient marcher sur la lune. «La Nasa tenait à prévenir le reste de l'humanité qui vivait dans le désert sans télé, et c'est comme ça que j'ai su», se souvient Cheick Diarra, le sourire généreux sous sa barbe poivre et sel. Cet été-là, dans la maison de Ségou, l'adolescent suit chaque soir avec son père les aventures d'Apollo 11 sur Voice of America. La saga trouble cette paisible communauté de maisons roses au bord du fleuve Niger. Ses parents n'arrivent pas à y croire. Aux yeux des religieux musulmans, qui inculquent aux enfants l'existence de «7 lunes et 7 cieux», le fait même d'explorer l'espace est un sacrilège.
A 17 ans, le collégien malien n'a aucune notion d'astronomie, n'a jamais vu de télescope et encore moins feuilleté de science-fiction.
Ses rêves d'espace sont trop flous pour lui permettre d'imaginer son entrée, vingt ans plus tard, dans le sanctuaire des missions spatiales, le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa, avec un titre qui lui donne encore des frissons: «Navigateur interplanétaire.» «Pas la peine de sortir les violons, je n'ai rien fait d'extraordinaire!» assure Cheick Diarra en pilotant le visiteur dans les labyrinthes du JPL, au pied des montagnes à Pasadena, près de Los Angeles. Grand, imposant, il porte une chemise traditionnelle africaine brodée et sa joie de vivre éveille plusieurs sourires féminins dans