La lutte gréco-romaine est un sport ennuyeux, presque autant que John Irving. Au moins, on est prévenu: «Je suis un type ennuyeux. Rien ne me rend plus heureux qu’une bonne journée de travail. Je suis fait comme ça.» Réveil matinal, écriture jusqu’à 16 heures puis, jusqu’à récemment, jusqu’à ce qu’une épaule douloureuse le lui interdise, deux heures de lutte, extinction des feux à 22h30. Il s’est fait construire une salle d’entraînement au sous-sol de sa maison du Vermont. Ah, la lutte! Elle est à John Irving ce qu’était la chasse à Hemingway. «J’étais un élève dyslexique, étudiant moyen. C’est la lutte qui m’a appris la patience, à toujours remettre l’ouvrage sur le métier. Je n’étais pas un lutteur brillant mais difficile à battre, c’est sûr.» La lutte l’a sauvé: d’abord en lui garantissant une bourse universitaire, puis en lui apprenant à «se battre». Sur le tatami, c’était un «slow pace», un lent, un besogneux. Dans la vie aussi: un bétonneur, un dur de la faille, un long à cuire.
Malheur à qui lance Irving sur son sujet favori: on a vu des journalistes poser une question en hors-d'oeuvre, sur cette satanée lutte gréco-romaine" et repartir livides après une heure de monologue sur les clés de bras, et le palmarès détaillé du championnat universitaire américain. Pour le reste, motus. John Irving est comme un mur dont il aurait lui-même colmaté les brèches au mortier. Non seulement, c'est opaque mais en plus, ça râpe.
Pourtant, il est des coïncidences qui sont autant de sign