C'est un peu comme si un Léo Ferré océanique avait pris la tête de
la révolte contre les compagnies pétrolières dégueulasseuses des mers. C'est un peu comme si un Francis Cabrel guerrier faisait la peau aux industriels de l'agriculture, nitrateurs de rivières et trafiquants d'OGM. C'est un peu comme si un poète-accusateur réussissait à demander leurs papiers aux pouvoirs économiques et politiques. Il s'appelle Richard Desjardins. Il est québécois. On le bombarde comme le successeur désigné de Félix Leclerc et de Gilles Vigneault, en plus imprévisible, en moins «Vive le Québec libre», en plus désabusé, en moins souverainiste. Il chante ses textes, seul en scène, piano et guitare. Mais, c'est son documentaire l'Erreur boréale qui met dans l'embarras les grosses entreprises forestières et le Parti Québécois majoritaire. Il y démontre que la course au profit assèche la ressource et plaide pour que les citoyens retrouvent un droit de regard sur l'exploitation d'une richesse qui leur a été confisquée. Record d'Audimat, trois diffusions en un an sur Télé-Québec. Desjardins avoue sa surprise: «Le feu couvait. Ça a mis l'étincelle.» Dans la foulée, se crée une «Coalition pour la protection des forêts nordiques» qui engrange des adhésions record (300 000 adhérents, 1 Québécois sur 20!). Ulcérés, les industriels traitent le chanteur d'«étudiant attardé» et de «poseur de questions niaiseuses». Ebranlé, le gouvernement commence à bouger, prépare un projet de loi. Malgré le barouf qu'i