On avait pourtant été prévenu: «S'il reste un diplomate au Monde diplomatique, c'est bien lui.» De fait, il y a un petit côté Quai d'Orsay chez Ignacio Ramonet. Le quant-à-soi, la voix bien timbrée, la courtoisie. Une certaine façon d'écouter son interlocuteur sans jamais l'interrompre. De répondre avec application à toutes les questions, même quand elles lui paraissent saugrenues. Au physique, on le verrait plutôt critique gastronomique. La moustache poivre et sel, sans doute, et l'allure du bon vivant qui surveille son tour de taille. Mais c'est à l'austère Diplo qu'il officie, quoique avec une évidente gourmandise.
«L'abord est affable, confirme un proche. Ne vous y trompez pas, il est très déterminé, c'est un véritable homme de pouvoir et d'influence.» Un éditorial de lui, en 1995, a lancé la polémique sur la «pensée unique» et pesé sur l'élection présidentielle. Un autre, en 1997, a donné naissance à l'association Attac pour l'instauration de la taxe Tobin sur les transactions financières. Elle compte aujourd'hui plus de 10 000 adhérents, et ses militants ont contribué à l'échec du sommet de Seattle. D'un mensuel respecté mais relativement confidentiel, il a fait un journal vendu à 200 000 exemplaires en France, traduit en huit langues, doté de quatorze éditions internationales. Une petite entreprise prospère, 57 millions de chiffre d'affaires et 6 millions de bénéfice l'an dernier. Filiale du Monde, certes, mais dont la rédaction détient, avec l'association des lecteur