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Libération
Portrait

L'Arlésien.

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Hubert Nyssen, 75 ans, homme du Nord fondateur des éditions Actes Sud, écrit non pour se raconter, mais pour se cacher.
publié le 8 mai 2000 à 0h33
(mis à jour le 8 mai 2000 à 0h33)

Il a des allures de paysan, les mots sont ses champs, et il laboure toujours. A 75 ans, pas de répit. On vient pour lui tirer le portrait, il reconnaît: «Sale boulot que vous avez à faire.» Il a préparé des repères, une notice, il n'y a plus qu'à puiser. Et à s'épuiser. Car l'homme est comme le bureau qu'il garde à Actes Sud: fermé à clé. Comme beaucoup de timides, il parle beaucoup, mais au final, où est passé l'oiseau? Pfuitt! Envolé! Après recherches, on le retrouve sous sa plume. Ou au mas Martin, près d'Arles, où il accueille l'invité à mots doux. Les oliviers sont fraîchement taillés, l'arbre de Judée en fleur. Le fondateur d'Actes Sud s'y sent bien. «Je suis un arbre en pot qui a trouvé son endroit, j'ai cassé le pot, je me suis enfoncé dans le sol.» Dans l'ancienne bergerie rachetée il y a trente ans, une seule petite pièce servait aux hommes. Aujourd'hui, elle est aux chiens, deux labradors. Les autres pièces sont passées aux humains. Christine Le Boeuf, la «traductrice-épouse», a hérité du poulailler mais, aujourd'hui, elle traduit un poulet à la justice des fourneaux. En cuisine, un tableau noir raconte à la craie les dates clés de la vie d'ici. «Pêchers en fleur», «crue du Rhône»" Une coupure du Provençal annonce: «Françoise Nyssen: pourquoi j'ai mangé mon père.» En dessous, le père mange des haricots, secoue sa mémoire.

Quand c'est la fin, des haricots, on monte à l'étage. C'est ici qu'il fait l'épître. «Je suis un épistolier extravagant.» Au-dessus de la porte