Il sort un havane du coffret d'acajou, s'inquiète de le voir percé
de petits trous, traces de bestioles se régalant de la tripe du cigare; on n'est à l'abri de rien. Bouille ronde, ventre voluptueux sous tee-shirt moulant, tignasse blanche pas trop dégarnie, Georges Wolinski reçoit avec une courtoisie bonhomme et vous tutoie d'emblée. Celui qui dit «On a fait 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus» semble s'accommoder de ce sophisme; l'époque n'est plus aux tribunaux révolutionnaires. Son appartement, à deux pas du Flore et des Deux Magots où il aime éplucher la presse en regardant les filles, est à l'exacte image de ce qu'on imaginait sans effort. Vaste intérieur de bourgeois bohème sous les toits, désordre de bon aloi, planche à dessin face à la fenêtre, rayonnages d'albums, et, sur une table basse aux volutes sensuelles, une créature de rêve en ébène allongée sur le ventre, qui invite avec insistance les esthètes à caresser sa croupe offerte.
A 65 ans, Georges Wolinski vit toujours du sexe et de la politique. Trois collaborations régulières (le Journal du dimanche, Paris-Match et Charlie hebdo), une myriade d'albums 43 en comptant le dernier, Salut les filles, (qui énerve les filles) , lui assurent des revenus comparables à ceux d'un présentateur de JT, sans les inconvénients d'une exposition à outrance. Georges Wolinski n'a pas la fesse triste. En peu de traits et beaucoup de rondeurs, ses femmes ont la plupart du temps un sourire fendu jusqu'aux oreilles, u