Partout, il y a les marques du temps. Dans sa tignasse blanche et indisciplinée. Au-dessus de sa porte, où la fierté de l'architecte a creusé un 1906. Au dernier étage, sur une terrasse abandonnée aux herbes folles et jaunes. Dans l'empilement des toiles et des livres. Ci-vit Etienne Roda-Gil, le parolier qui "croit à la permanence du souvenir". Il en a fait des chansons à succès, son serment d'amour et même son port d'attache politique. Il y a une belle jeune femme dans les pièces d'à côté, un enfant qui gazouille. Mais Roda-Gil respire au passé. Les mots qu'il a confectionnés au fil des ans pour habiller le vinyle se baladent sur les ondes et brillent sur des disques d'or. Il n'y a chez lui que le bruit du ressac. La chanson n'est que l'écume de ses jours.
Dans son premier verre, il met beaucoup d'eau avec le whisky. Il explique la terrasse: là, les graviers venus de France, nus et gris. Là, ceux de Catalogne, terre de ses racines, couverts de plantes. La ligne de partage entre la vie et la mort ne se planque pas dans la maison des souvenirs. Elle était française, lui fils d'Espagnol. Nadine Roda-Gil, peintre, est morte d'une leucémie en 1990. Elle est enterrée au cimetière Montparnasse, pas loin de Baudelaire et du quartier des Fédérés. "Je veux que le nom de cette femme soit écrit. Vous avez bien compris... que c'est ça l'histoire de ma putain de vie." Elle devait en avoir pour six mois, elle a vécu six ans et demi. "C'est la période la plus tragique et la plus belle de m