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Libération
Portrait

Hors des pensées battues

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publié le 21 juillet 2000 à 2h27

Les apparences sont flatteuses, l'abord est courtois, mais l'approche est délicate. Car Pascal Bruckner n'a rien de ces bonimenteurs haranguant le marché aux idées, ni de ces VRP des lettres qui vous submergent de leur bagout à paillettes. On s'attendait à un beau parleur moulinant du concept et on s'assied face à un quinqua-ado sagement installé au pied de sa bibliothèque, qui refuse les effets de manche comme les trémolos des phraseurs. La voix est neutre, prudente, et si le sarcasme ou la moquerie affleurent, c'est comme s'ils peinaient à franchir les antiques parapets d'une retenue de bon aloi, d'une éducation de la dissimulation. Pourtant, Bruckner est un opposant à la pensée moyenne, un inverseur de tendances, un réactif à l'air du temps qui doit juste se méfier de virer réactionnaire. En galopin de la provocation, il ne cesse de faire la nique aux bien-pensances du moment qui ont peut-être eu le mérite de saper des fondations autrement solides. Fin des années 70, il a commencé, avec Alain Finkielkraut, à trousser la soutane de la théologie de la libération sexuelle qui, dans l'après-68, en était venu à imposer la dictature du jouir. Puis, en solo, Bruckner s'est attaqué en libre-penseur aux mythologies de la gauche divine. Il a commencé par voir dans le tiers-mondisme une manière d'expier le colonialisme et de réinventer de bons sauvages. Il a ensuite plaidé pour une revitalisation de la démocratie, au moment où la chute du Mur pouvait laisser croire que c'était du to