Prison centrale de San Pedro, La Paz, Bolivie. A l'entrée, le passeport espagnol du professeur circule de main en main, les geôliers se concertent, puis acceptent. Un coup de tampon noir sur le bras, une fouille, et Juan Carlos Lago se mêle à la surpopulation carcérale. Pestant contre son manque de condition physique, essoufflé par les 5 000 mètres d'altitude, il gagne la salle de classe sombre où les prisonniers l'attendent. Trois étés ont passé, depuis qu'il les a rencontrés pour la première fois, sur l'insistance de l'aumônier de la prison. Avec eux, ce mois de juillet, le professeur de philosophie discute de patience et de liberté, quitte à attiser la douleur. Unamuno, l'écrivain espagnol, dit: «La seule façon d'être vivant, c'est d'être dans la lutte et le conflit.» Lago partage cette pensée et se l'applique à lui-même. Comme l'auteur auquel il a consacré sa thèse, «il s'installe au coeur de la tempête». Sur les bancs d'écoliers, les prisonniers lèvent la main pour donner leur vision du poème qu'il leur a proposé. Il y est question d'une libellule.
Le reste de l'année, la vie de Lago est madrilène et sans répit. En 1992, fonctionnaire de l'enseignement, il décide que son appartement sera un lieu ouvert. Il y accueille des jeunes «difficiles» en proie à la drogue, l'abandon familial, à l'instabilité. Il propose aux chavales un toit, un couvert et un soutien qu'il construit autour du dialogue «à la façon de Socrate, pour faire sortir l'information de l'autre». Une sorte de