Menu
Libération
Portrait

Le credo du crédit

Article réservé aux abonnés
publié le 14 août 2000 à 3h25

Lvov, Pologne, mars 1943. Les Allemands ont envahi la ville et pris d'assaut la maison de la famille Nowak-Przygodzka, QG d'un groupuscule de résistants. La petite Maria a 8 ans. Elle voit le SS qui donne des coups de pied dans le ventre de sa mère blessée, qui la jette dans un camion. Elle voit ses cousins morts, leurs plaies ouvertes. Elle voit les tâches de sang «s'étirer doucement» sur la neige. Et elle voit sa grand-mère, qui abandonne les cadavres pour rejoindre ses fourneaux. La vieille femme pétrit la farine, découpe la pâte en fines lanières, la jette dans l'eau bouillante: les nouilles du dîner. «J'ai compris plus tard. Seul le mouvement permet d'échapper à la désolation. Il faut toujours s'agiter dans la vie, tout le temps.»

Emissaire de la Banque mondiale en Afrique puis en Albanie, fondatrice de la banque des exclus Adie, avocate médiatisée de sa propre invention, le microcrédit aux chômeurs, et depuis mai dernier «conseillère spéciale» de Laurent Fabius, Maria Nowak, 65 ans, «s'agite» beaucoup. Elle applique la «leçon des nouilles». «Elle paye une dette», précise sa fille. «C'est vrai que j'ai besoin de justifier mon état de survivance», reconnaît celle qui s'est fait appeler, pour les besoins d'un livre, «la banquière de l'espoir» (1). «J'ai besoin de dire à mes morts: je vous suis fidèle en aidant les autres.»

Des mots choisis ­ «mon prochain», «fidélité» ­, une douceur de ton, une pâleur indulgente dans le regard et l'austérité d'un ensemble veste-pantalon ble

Les plus lus