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Libération
Portrait

Poivre et celte

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publié le 19 août 2000 à 3h32

Envie de revoir le jeune homme habité de fulgurances et de fulminations. Envie de savoir ce qu'est devenu le Rimbaud breton qui scandait sa précocité et ses poèmes à la face du Vieux Monde. Envie de retrouver l'hébergeur de visions qui se dressait, tel Bonaparte au pont d'Arcole, le doigt dressé, la voix imprécatrice et le corps comme habité par une force, une tension, un destin.

Yvon Le Men a aujourd'hui 47 ans et n'a cessé de vivre de sa poésie, écrite et dite, éditée et récitée. Il a eu faim, il a eu froid, il ne s'en sort que depuis dix ans, mais il n'a jamais renoncé, jamais quémandé, jamais transigé. Et il vit comme une chance, «un coup de bol», d'avoir su immédiatement que c'était ça et rien d'autre qu'il voulait faire, la première fois qu'il est monté sur la scène d'un vieux ciné breton, devant un public d'ouvriers, de paysans, qu'il a dit ses textes et qu'on l'a écouté. Depuis «ce coup de foudre, cette révélation», il n'a pas dévié. Ont suivi une vingtaine de recueils de poèmes, trois récits, un roman en gestation. Et un ou deux récitals par semaine en Bretagne et au-delà.

Ce soir-là, il fait grand vent sur Fort-la-Latte, face à la baie de Saint-Malo. Une centaine de personnes surgies de nulle part s'assemblent autour de la cheminée du château. Une harpe et ses mots. La silhouette n'a pas bougé, le cheveu n'a pas trop raccourci, la calvitie est tenue en respect. Il évoque le deuil et la remontée aux origines, le temps qu'il fait et le temps qui passe mal, le silence,

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