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Libération
Portrait

Marcel Marceau, 77 ans, mime et créateur de Bip, n'en a pas fini de faire ses adieux à la scène...

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publié le 21 septembre 2000 à 4h32

La scène se passe en 1944, à la sortie d'une station de métro aux portes de Paris. Deux miliciens abordent un jeune homme, lui demandent ses papiers. Faux, bien sûr. Le garçon est doublement recherché, car juif et membre d'un réseau de résistance. Les miliciens tournent, retournent la carte, jaugent le garçon du regard, le scrutent. Lui les regarde droit, pas un battement de cils, pas un soupçon d'impatience au fond des yeux. «Je savais ce qu'il fallait faire dans ce genre de cas. Ne pas se démonter.» Les miliciens laissent repartir Marcel Marceau, Mangel de son vrai nom. «A quoi ça tient, la vie. C'est absurde. Un regard, et pfuitt, ça passe là.» Sa main dessine la trajectoire d'une balle qui, lentement, frôle sa joue.

Cet épisode de sa vie, Marcel Marceau le mime plus qu'il ne le raconte. Les regards par en dessous des miliciens, le sien, bien droit, légèrement souverain... C'est son mimodrame fondateur, le rôle de sa vie, celui qu'il n'a jamais joué sur scène. «Est-ce que je ne serais pas devenu un mime sans la guerre? Possible, possible...», concède-t-il. «Nous vivions dans le silence. Tout était cloisonné. On ne disait rien, on n'écrivait rien pour ne pas risquer de se faire prendre.»

Marcel Mangel a rapidement changé de nom. «Nous vivions à Limoges. Mon père venait d'être arrêté. Mon frère était recherché. Moi aussi. Comme j'étudiais aux Arts-Déco, je fabriquais des faux papiers. Je me suis souvenu d'un vers de Victor Hugo: "Hoche sur l'Adige, Marceau sur le Rhin." Comme

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