Oubliez un instant la légende récemment imprimée à la gloire de Jean-Marie Messier. Oubliez la mutation accélérée de la Générale des eaux en Vivendi, l'intelligent recentrage sur la communication et l'environnement, l'absorption de Canal + et d'Universal, la conquête de l'Internet et d'Hollywood. Oubliez les 250 000 salariés, la valeur de l'entreprise multipliée par 6 en trois ans. Oubliez ce surnom de «J6M» (Jean-Marie Messier Moi-Même Maître du Monde) complaisamment emprunté, entre auto-ironie et vanité masquée, à ces salariés maison que sont devenus les «Guignols de l'info». Oubliez la courageuse transparence en matière de salaire, ces revenus après impôts de 600 000 francs mensuels en 1999. Oubliez surtout ces chaussettes élimées en double page dans Paris-Match, qui montrent que ce roi des «socquettes-options», que cet «as de la reprise» (dixit Ruquier), n'a pas pris le temps d'arrêter l'ascenseur social à l'étage distingué de la noblesse d'affaires et qu'il est assez futé, assez actuel, pour ne pas verrouiller son image.
Oubliez tout ça et souvenez-vous de ceci: Messier n'est ni un self-made-man ni un baby-créateur de start-up. Il reste l'enfant modèle et le sauveur de réputation d'une famille incestueuse, celle du capitalisme français. Une famille dans laquelle la technostructure et les chefs d'entreprise ont longtemps dansé une valse trébuchante (l'économie mixte, la politique industrielle) et se sont récemment payés sur le dos de cette grosse bête qu'est l'intérêt gén