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Libération
Portrait

Les toiles du soldat

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publié le 6 octobre 2000 à 5h07

Amos Gitaï est né dans le ventre d'un hélicoptère, le 11 octobre 1973 et non, comme le prétend l'état civil, le 11 octobre 1950 à Haïfa. Et c'est la raison principale, l'unique, pour laquelle il a tourné Kippour: pour se voir (presque) mourir puis (re)naître. «C'était le cinquième jour de la guerre. Mes compagnons m'avaient fait un cadeau, une carte pour mon anniversaire. La sirène a retenti. Un pilote abattu à récupérer sur le Golan. Tout était calme. Le vol se passait étrangement bien. On a commencé à voir des tanks syriens. A ce moment-là, j'ai compris que le départ du tir n'était une question de temps. Quand le missile a frappé le cockpit, tout s'est rempli de sang, de cervelle et de cris. Miraculeusement, le pilote a réussi à voler deux à trois minutes pour nous poser sur un terrain plat, derrière les lignes israéliennes.» Il s'en est tiré avec un morceau de ferraille dans le dos.

Tout s'est passé comme dans le film. Une guerre vue à hauteur d'homme, sans héros, sans pathos, sans esthétisme ni effets spéciaux. On guette en vain les stigmates sur son visage massif, sur son corps trapu. Tout en lui dégage une détermination presque inquiétants. «Juste avant le déclenchement de la guerre, ma mère m'avait offert une petite caméra super-huit, j'ai pris mes premières images pendant mes missions en hélicoptère. Mentalement, la nécessité de cadrer m'a sauvé, cela m'a permis de me voir comme un soldat qui porte des civières sur le champ de bataille. La caméra m'a imposé une certai