Il y a quelques années à Téhéran, à l'époque où le clergé radical contrôlait presque tout, la censure cinématographique était dirigée par un religieux aveugle. Il «visionnait» les films en se faisant raconter les images, décidant que les scènes où l'on apercevait un pied nu dans une sandale ou celles où un homme parlait à une femme, étaient impudiques. Il criait alors qu'il fallait les couper.
C'est à cette époque que l'adolescente Samira Makhmalbaf se décide à faire du cinéma. Elle ne traîne pas. A 16 ans, elle a déjà réalisé une fiction et un documentaire. A 18 ans, avec le film la Pomme, elle devient la coqueluche de Cannes. A 20 ans, elle obtient le prix du Jury, à ce même festival, avec le Tableau noir (lire aussi page 42).
Ces deux phénomènes, Samira et le censeur aveugle, appartiennent au même Iran. C'est comme un pays de science-fiction, fait de mondes parallèles. Celui des jeunes, celui des femmes, celui des cinéastes, celui des mollahs... Entre eux, il y a des abîmes. Et, bien sûr, il y a aussi des passerelles. Et Samira Makhmalbaf a l'art de les traverser.
A Paris, dans ce restaurant de Saint-Germain, elle est comme n'importe quelle jeune fille de son âge et l'on dirait que la planète Téhéran est à des années-lumière . L'oeil, ombré de khôl, pétille d'insolence et d'une intelligence malicieuse, les mèches se sont sauvées du foulard comme d'un cachot et tous ses gestes s'envolent comme des papillons pour dire l'envie de liberté. Quand elle ne parle pas de cinéma et de