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Libération
Portrait

Télé génie

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publié le 12 octobre 2000 à 5h18

Mal élevé, l'avorton l'était. Il passait son temps à insulter les passants, il crachait même sur eux après deux ou trois bières de trop. Mais il se réservait pour lui-même les pires insultes. Pour tout dire, il ne s'aimait pas particulièrement. Quand il ne crachait pas, il restait affalé devant la télé. Tout le fascinait, tout le dégoûtait: les millions cyniques mis en musique et champ contre-champ par TF1, les soaps sentimentaux, les JT, et même les petites culottes des joueuses de tennis astucieusement traquées par des cameramen, au travail pour une fois. La télé, ça le dégoûtait mais il n'en était pas encore à cracher dessus. L'avorton, c'était moi. Comme cela ne vous intéresse pas spécialement, on continuera à dire que c'est lui.

Un jour, fatigue, nuit blanche, un fantôme lui apparut. Sauf que le fantôme était vivant. Le drôle de bonhomme qui parlait, crachait, zozotait, s'appelait Averty, Jean-Christophe Averty. Des années que cet imprécateur ne foutait plus la merde sur les plateaux télé. Fatigue, déprime douce? L'écouter, là en direct, sur une terrasse bruyante en plein Paris, c'était recevoir en quelques minutes assez d'électrochocs pour toute une vie. Devant l'avorton ahuri, ravi, Averty racontait sa vie, ses 72 ans de vie. Une vie assez intense pour en contenir six ou sept, au moins. Défilèrent d'abord quelques plans noir et blanc d'une impertinence datée. Aux Raisins verts, l'émission la plus iconoclaste des années 60, on ne s'ennuyait pas. On travaillait mais on n