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Libération
Portrait

Flamme fidèle.

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publié le 30 octobre 2000 à 5h57

Le toit fuit et la chaudière est en panne. «Et Jean-Marc, qui fait semblant d'être dans le coma pour pas bosser.» Elle rigole. La vie est gaie, pas heureuse. Dans son salon, entre sa télé géante toujours allumée, le lit conjugal et son ordinateur connecté à l'Internet, Myriam passe son temps à se bidonner et à parler, trois décibels au-dessus des autres, pour couvrir le silence. «Hein, ma loute?» Il cligne, ça veut dire oui. Elle lui a scotché une oeillère en carton pour empêcher l'oeil droit de partir sur le côté.

Depuis l'accident, elle a cessé son travail de claviste. Elle joint les deux bouts avec une pension d'invalidité, l'assurance décès de Jean-Marc et quelques sous mis de côté. Myriam se pose sur le bras du fauteuil et attrape le visage de l'homme. Sa tête tombe si on ne la retient pas. Jean-Marc a rouvert ses yeux il y a neuf ans, après trois mois de coma total. A part regarder, il ne sait plus faire grand-chose. Cligner des yeux pour dire oui. Bouger la main. Grincer des dents pour râler. Beugler, pour exiger. Elle dort toutes les nuits avec lui. «Quand je ferme les yeux, ce n'est plus le handicapé que je vois.» La nuit, dans le creux du cou, la peau sent comme avant le 3 mai 1992. «Quand il sera mort, je n'aurai même plus ça.»

L'accident a eu lieu sur la route de Courtrai, en Belgique. Elle n'avait pas voulu le suivre à la patinoire, parce qu'elle avait trois livres à relier, une promesse faite à un ami. «Trois Malraux en maroquin rouge.» Il est parti à moto, tout