Quand les dirigeants d'Ubi Soft, le leader français de logiciels de jeux vidéo, engagent Jérémie Lefebvre en 1997, ils pensent avoir mis la main sur un graphiste de 25 ans, le genre «cool» . Jamais ils n'imagineraient que ce «gratteur de Mickey» va être quelques mois plus tard à l'origine de la première révolte salariale dans l'industrie française du virtuel. Le 15 décembre 1998, avec quelques autres, Jérémie Lefebvre crée Ubi Free, «le premier syndicat virtuel». Un site Internet (1) sur lequel les renégats dénoncent sous pseudonymes leurs conditions de travail.
Cette start-up était pourtant présentée à l'époque comme l'entreprise de demain. Plus de 400 employés, moyenne d'âge 25 ans, des produits phares comme le jeu Rayman et bénéfices records. Tout le monde se donne du «tu», personne ne porte cravate, les patrons s'habillent en jeans et organisent de grandes fêtes de Noël sur place. Le bonheur économique. Mais derrière cette façade, Jérémie Lefebvre découvre un autre monde. Un monde où les employés multiplient les heures supplémentaires et sacrifient leurs week-ends sans moufter. Et pour cause: il n'y a, chez Ubi Soft comme dans la plupart des start-up, ni délégué du personnel, ni direction des ressources humaines , ni politique des 35 heures («Un truc conçu par des vieux pour des vieux», explique la direction). Et encore moins de syndicat.«On a voulu avec ce site renvoyer aux employés de la boîte une image constructive d'eux-mêmes, leur dire qu'ils avaient des dro