Ce jour-là, le réalisateur Raul Ruiz voulait capter le frémissement du soleil sur les feuilles à peine jaunies par le début de l'automne. Il repassera. Ce jour-là, le tournage des Ames fortes, adaptation d'un roman de Jean Giono où bonté rime avec duplicité, a pris des allures de cataclysme. Sur la Provence profonde, à deux pas de Grignan et du château où madame de Sévigné rédigeait une correspondance dont on sait la fortune, s'abat une pluie froide et drue à vous faire attraper la mort. On passe devant de pauvres bêtes pataugeant dans le foin, chevaux et mulets attendant l'attelage, une théorie de techniciens bravant l'orage, et on manque de peu (comme c'est dommage) de se heurter à Laetitia Casta, petite chose emmitouflée dans des haillons de bure et qu'on aurait eu bien du mal à identifier si quelqu'un n'avait eu l'idée de vous la désigner. Pour Arielle Dombasle, il en va tout autrement: c'est fou ce qu'elle se ressemble.
A l'abri dans la loge-autocar, vêtue en riche bourgeoise milieu XIXe siècle, sobre ensemble à faux cul faisant d'autant mieux ressortir une taille de guêpe, joli bibi retenant la mousse de ses cheveux blonds, elle reçoit avec un sourire non feint et hypnotise d'emblée le visiteur de ses yeux clairs, azur liquide, mêlée froide rehaussée d'éclats de malice. Sur la table, Vie et Légendes de Jacques Lacan (par Catherine Clément, Grasset, 1981, collection Figures, dirigée par Bernard-Henri Lévy). Situation rêvée pour psychologue de bazar: «Vous vous intéressez