Une vie vécue avant d’être un roman-songe. «C’est un conteur, mais les faits sont là», dit un proche. Une vie de ruptures, d’aventures, d’amours, d’enfants (sept) et puis d’écriture (40 livres, 150 chansons, des tombereaux d’articles), de peinture (des tableaux à foison, égarés, détruits), de coups de sang et de coups de foudre. Ecoutez voir la véridique histoire de Jacques Lanzmann, 73 ans, qui réside en rez-de-chaussée pour s’évader plus à son aise, se languit de son perroquet, resserre cette écharpe blanche de marcheur en proie à des suées incontrôlées et de séducteur ravi d’avoir vieilli, d’avoir troqué ses poils de carotte contre une pilosité neigeuse.
Le rouquin. Le gamin est roux, à jamais. Il se souvient des sales mômes stigmatisant sa différence comme s’il s’agissait d’un handicap ensorcelé. Il est ce «poil de brique» à qui on lance : «Ta mère t’a laissé cuire au four trop longtemps.» Sa mère s’est éloignée qui, plus tard, pour l’aider dans ses éducations amoureuses, le teindra en brun. Il est enfant de divorcés. Sa belle-mère lui signifie : «Mon petit bonhomme, tu vas devoir filer doux car je déteste les rouquins.» Il finit par intégrer ce discrédit, par le retourner contre lui, par détester ses cheveux de braise, sa peau potiron, par considérer ses taches de rousseur comme des grains de laideur. Il peine à s’inscrire dans une généalogie, celle d’immigrés juifs venus de Russie, de Lituanie, et installés à Paris dans