En 1956, Noël Favrelière, qui vient de terminer son service militaire en Algérie, est rappelé dans la colonie pour cinq mois afin de participer à ce qui s'appelait «la pacification». Il est para: «Le goût du saut. L'impression qu'on est seul et qu'on intervient en avant-ligne, au lieu de marcher au pas dans une troupe.» Quelques semaines plus tard, il écrit à ses parents: «Nous sommes saufs. Cette nuit, nous avons traversé la frontière à dos de chameau. Nous sommes maintenant chez les parents du jeune que j'ai libéré. La joie qu'ont eue les siens à le revoir alors qu'il le croyait mort, m'a payé au centuple pour tout ce que l'avenir me réserve... Si j'avais agi autrement, si j'avais laissé assassiner Mohammed, je crois bien que je n'aurais plus jamais oser vous regarder en face.» Le jeune homme a déserté en pleine nuit avec un Algérien destiné à «la corvée de bois», c'est-à-dire à une exécution sommaire. Condamné à mort par contumace par le tribunal militaire de Guelma (Algérie), il le restera dix ans, jusqu'à ce que son avocat obtienne un non-lieu. Exilé, sans papiers. Favrelière rectifie: «Des papiers, j'en avais des tonnes! J'ai vécu avec cinq ou six identités. Ça ne m'a pas tellement gêné de vivre à l'étranger. La preuve: j'ai continué, après 66.» Aucun pathos, ni esprit de sérieux. D'ailleurs, il parlerait volontiers d'autre chose, de sa vie actuelle entre Ljubljana en Slovénie où vivent sa femme et sa fille et La Rochelle où habite son père. Lui, qui vient de signer l'
Portrait
La fuite pour les idées.
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par Anne Diatkine
publié le 9 décembre 2000 à 7h44
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