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Libération
Portrait

Langueurs et pointes.

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Marie-Claude Pietragalla, 37 ans, danseuse. S'épuise à concilier son art et la direction du Ballet de Marseille.
publié le 18 décembre 2000 à 8h13
(mis à jour le 18 décembre 2000 à 8h13)

Une révérence embuée. Un salut larmes aux yeux. Sur qui pleure Marie-Claude Pietragalla? Sur Camille Claudel, son génie, sa folie, qu'elle vient d'incarner, poignets crochus et pieds crucifiés, très seule au milieu de ses 40 danseurs et de ses 8 acrobates? Sur l'artiste en quartier de haute sécurité qu'elle a choisi d'être dès l'adolescence, au risque de la monotonie et de la mélancolie? Ou sur la femme mise à l'isolement, depuis que cette ex-étoile de l'Opéra de Paris a pris la direction du Ballet de Marseille et que gargouillent aigreurs, vengeances et cabales?

Il flotte de l'exténuation dans le regard sombre, quasi opaque, plus trouble que troublé ou troublant. Elle porte un jogging élimé, informe, qui semble réchauffer difficilement un corps comme évidé de l'intérieur, ayant évacué toute intensité, perdu tout ressort. Elle se masse les chevilles, guette son kiné, éloigne les bouquets de fleurs. Son teint d'olivier et de chêne-liège a pris ces reflets bistre qui guettent ceux qui filtrent le grand air, ceux qui refusent les horizons lointains. Elle affiche la grise mine des reclus volontaires, mitrons enfarinés par le labeur, gymnastes miniatures aux travaux forcés olympiques ou petits rats qui n'oseront jamais grimper sur les toits. S'interdisant les jérémiades, elle nie la fatigue qui l'encage, réfute la lassitude, affirmant: «L'épuisement ne prend jamais le pas sur le plaisir.»

Est-ce si sûr? Elle a 10 ans quand elle entre dans les ordres chorégraphiques. Fille unique en

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