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Libération
Portrait

La gueule enfarinée

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publié le 21 décembre 2000 à 8h21

Il taille son collier de barbe chaque matin. Ce n'est ni de son temps, ni de son camp, vieille mode pour enseignants qui explosa un certain mois de mai 1981, et survit encore sur le poil nostalgique de Robert Hue. Ça a déplu chez les siens, les agriculteurs, plutôt hémiplégiques du côté gauche. Rien n'y a fait. Il aime, lui, cet ajout parmi tant d'autres à sa condition paysanne, ce brouillage parmi tant d'autres de son image. Ce physique de tous les langages. Luc Guyau est patron de la FNSEA, la toute puissance agricole, qui manie la brute et le col blanc, fait opiner le préfet, le banc et l'arrière-banc politique. Il taille son collier, comme on aiguise ses certitudes. Mais les matins sont devenus coupants. Les journaux n'ont d'yeux que pour un moustachu, ­ façon Larzac cette fois ­ du nom de Bové, venu jouer les Robin des Bois. Ils égrènent, surtout, une par une, ces vaches qui perdent la boule au fond de leurs auges industrielles. Quelle barbe !

C'était si simple jusqu'ici. Réveil à Paris, les jours de semaine. Et rencontre tous les jeudis avec le ministre dont il avait la tutelle, celui de l'Agriculture. Il en sortait avec ce qu'il demandait, espèces sonnantes et trébuchantes. Leader syndical nanti. «On tient plus longtemps qu'eux, j'en suis à mon sixième.» La ferme là-bas, à Thorigny en Vendée, tourne bien sans lui. Son frère veille au grain, ainsi que son fils, rémunéré par le syndicat qui compense l'absence du patron. On y fait de la vache laitière, vache à viande, blé

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