Une blonde aux cheveux courts hurle, gesticule en prenant à partie trois hommes. Muets, ces derniers restent tête baissée. «Retire tes galons et tire-toi une balle dans la tête. Tu as tout simplement peur de perdre ta place. Viens ici vivre avec nous, tu comprendras nos problèmes», s'épanche la femme en rage. Nadejda Tylik vient de perdre son fils, lieutenant sous-marinier à bord du Koursk. En face d'elle, Vladimir Kouroïedov, commandant en chef de la marine, Viatcheslav Popov, commandant de la Flotte du Nord, et Ilia Klebanov, vice-Premier ministre chargé de l'enquête sur le naufrage. La rencontre a lieu le 18 août, dans la garnison de Vediaevo, cinq jours après l'annonce de la catastrophe. Soudain, dans la foule, une autre femme apparaît derrière elle. Elle tient une seringue dont elle inocule le contenu à Nadejda, qui gesticule toujours. Les deux femmes quittent la salle. L'image a fait le tour du monde.
Près de six mois plus tard, dans une cafétéria de Mourmansk par une nuit polaire, un brin amusée, elle rétablit la vérité. «Lorsque Klebanov s'est mis à nous parler des réserves d'air du sous-marin, la tension était à son comble. Certaines femmes s'étaient évanouies et avaient été évacuées. Je n'étais pas la seule à le haranguer, mais j'étais à bout. Je ne sentais plus mes jambes à cause de mon état nerveux. Mon mari était à côté de moi. C'est lui qui a demandé à ce que l'on me fasse une piqûre pour calmer mon coeur. Ce n'était pas un médicament pour influer sur mon psychi