Il y a en elle quelque chose de paniquant. C’est cette bouche comme exténuée d’avoir croché dans le désastre, ces lèvres aux commissures perdues avant d’être flétries, aux coins abandonnés à une tristesse insondable. C’est dans un film de François Ozon sur le deuil des amours déjà mortes, sur le vieillissement d’avant et d’après la perte, sur le sexe épuisé et risible, sur le corps à 50 ans et ce sentiment que ni elles, ni eux, ni nous n’échapperons à rien de tout ce qui fait que la pente descend, que la vie s’enfuit. En vrai (!), Charlotte Rampling affiche une gaieté soyeuse et une franchise moins revenue de tout qu’ayant dépassé bien des choses. Piquées d’un cigarillo, ses lèvres en coutelas tranchent sur l’avidité sucrée des bécoteuses au collagène. Rien, pourtant, des ravissantes qui mangent leurs mots par peur d’en manquer, rien des rétractées qui, à défaut d’os, se rongent la confiance. Plutôt un côté femme qui n’embrasse pas mais qui ne s’étonne plus de faire bien pire.
Souvent, elle se voit comme celle qui attend. Celle qu'il faut venir chercher. Jamais de premier pas, jamais d'invite. Si on lui demande avec quel metteur en scène elle voudrait tourner, elle qui s'est laissé désirer par Visconti, Cavani, Chéreau, Allen, Oshima, elle avoue: «Je ne peux pas le dire. Ce serait déjà faire un pas vers lui. Ce serait beaucoup trop osé.» Là, ça sent à la fois les secrets de cadette apeurée que son aînée expansive embarquait dans des festivités pas de son âge où elle fascinait