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Libération
Portrait

Les légions dangereuses

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publié le 22 février 2001 à 23h06

Qu'est-ce que le Boudin venait donc faire dans un endroit pareil? Quand le clairon a attaqué l'hymne de la Légion, la maison de retraite de Savigny-sur-Orge a sursauté. Dans le salon, un général et quelques officiers voûtés par l'arthrite, avec képis blancs et décorations. Ils n'avaient pas l'air de plaisanter, en accrochant la Légion d'honneur au col de tweed de madame Schlegelmich, pensionnaire du premier étage. Ce jour de 1996, on découvrit que cette délicieuse Anglaise parfois un peu autoritaire, toujours prête a offrir un chocolate, avait été, dans une autre vie, l'adjudant-chef Susan Travers. La seule femme enrôlée dans la Légion, rescapée de Bir Hakeim. Une héroïne de la dernière guerre, «chauffeur du général Koenig pendant les campagnes de Syrie et Lybie, légionnaire en Indochine ensuite», disait la citation. On comprit que les décorations accrochées dans son petit studio n'étaient pas celles du mari légionnaire, Nicholas Schlegelmich, emporté par les maladies coloniales. Mais, goodness gracious, on ne savait pas tout encore.

Susan attendait qu'ils soient tous morts. Son mari, le maréchal Koenig, sa femme, les derniers de Bir Hakeim. Raconter toute l'histoire avant aurait déplu à «Pierre» (Marie-Pierre Koenig, vainqueur du maréchal Rommel à Bir Hakeim, commandant en chef des troupes françaises en Allemagne, deux fois ministre de la Guerre). Tout le monde au panthéon, l'adjudant-chef ouvre la boîte de ses souvenirs (1), et livre ce qui manquait à la sèche citation: l'a