Philippe Bilger est accusateur public, celui qui a la charge de réclamer des peines de prison. Et c'est le magistrat le plus imprévisible du palais de justice de Paris. En face de lui, des enfants violés, deux petits garçons assis côte à côte sur les bancs de la cour d'assises. Leurs frères plus âgés, violés quand ils avaient 9 ou 10 ans, sont là. L'auteur principal des crimes est mort en prison. Ne restent que trois vagues comparses dans le box des accusés, qui avouent: les petits tabliers portés par les enfants nus pour servir le vin à table, les rencontres furtives dans l'impasse. Les avocats des familles parlent de «souffrance indicible», de «vie brisée», de «réparation».
Alors, il se lève. Les regards se tournent vers lui, sa robe rouge et son hermine. Avocat général près de la cour d'appel de Paris, l'un des plus hauts placés dans cette institution hiérarchisée du Parquet. 57 ans. Ordre du Mérite. Père de 6 enfants. Philippe Bilger demande aux jurés d'oublier l'émotion et de réfléchir. Avec la détention, leur explique-t-il, «vous causeriez un préjudice plus important que vous n'apporterez d'apaisement aux victimes». Il veut que ces trois hommes, repartent chez eux, libres. Ce sont, explique-t-il, des personnages insignifiants, l'un est trop âgé et trop malade, la détention provisoire et le procès ont déjà détruit la vie des deux autres.
Ce petit homme aux costumes uniformément gris parle avec les mains, les yeux, le front. Il grimace, s'agite. Tout son corps exprime ce q