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Libération
Portrait

L'héroïne

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Ingrid Bétancourt, 38 ans. Colombienne, candidate à la présidentielle, elle est entrée en guerre contre les caïds de la cocaïne.
publié le 14 mars 2001 à 0h02
(mis à jour le 14 mars 2001 à 0h02)

C'est Alice au pays des cauchemars. «Alice qui tombe dans un trou.. », dit Ingrid Bétancourt. L'image est venue, spontanément. «... Et qui cherche une porte de sortie.» Elle a poussé celle de la politique, «ce monde considéré comme sale et dangereux par les gens de ma génération». S'est fait élire députée, puis sénatrice, avec un seul mot d'ordre, la lutte contre la corruption. Elle a donné des coups, en a reçu davantage. A payé son combat d'une vie familiale erratique et d'une grève de la faim. Ses cauchemars sont peuplés de sicaires prêts à la tuer, prêts à dépecer ses enfants selon le mode indiqué sur un Polaroïd envoyé anonymement à son domicile. Avec l'espèce de courage ingénu qui la caractérise, elle a décidé de se présenter à la présidentielle. Les élections auront lieu dans un peu plus d'un an. Si les dix gardes du corps qui se relaient à ses côtés ont bien fait leur boulot, elle aura alors 40 ans.

Elle parle de la Colombie avec émotion. Comment faire comprendre que ce beau pays à la dérive ne se réduit pas à sa caricature, répétée jusqu'à la lassitude : premier producteur mondial de coca, l'un des endroits les plus violents du monde. 3 000 morts par an en moyenne, davantage encore d'enlèvements, deux guérillas et une milice paramilitaire dont le chef sanguinaire s'affiche comme un fervent lecteur de la Bible, sans compter une démocratie dont elle pourfend les compromissions... Ces trois dernières années, plus d'un million de Colombiens ont définitivement quitté le