Il est le fils de la lumière et de l’ombre. La lumière, sa mère, s’est éteinte à Ibiza il y a treize ans, tombée de bicyclette. L’ombre est restée dans l’ombre. Depuis, Ari est dans le noir. Il voudrait partir au soleil. Il a 38 ans, pas d’argent, et la gueule de l’ombre. La même belle gueule, mais plus pauvre et plus marquée. Il a posé un cendrier au coin du lit. Tout se superpose dans ce petit appartement lézardé derrière la gare du Nord, qui abrite quelques-uns de ses paquetages, mais qui n’est pas le sien. Il vient d’écrire un livre, dont il espère qu’il assurera la pension complète à l’auberge de la fuite. Ça commence par l’unique nuit d’amour de l’ombre et de la lumière.
C'est ainsi qu'il voit ses parents. Ce n'est pas toujours ainsi qu'ils vivaient. Lumineuse Nico, superbe top-model devenue chanteuse, fille en blanc parmi les gars en noir du Velvet Underground, égérie d'Andy Warhol... Elle n'élèvera pas son fils, sera l'éclipse de son enfance, mère soumise aux noirs commandements de la drogue. Obscur Alain Delon, étoile du cinéma, père maintes fois raconté et qui, toujours, a nié. Tout le monde l'a désigné ce père, jusqu'à sa propre mère, remariée Boulogne, qui fit d'Ari son petit-fils, le coucha dans le lit de ce fils qu'elle ne voyait plus qu'à la télé, et le fit même adopter par son mari.
Au chauffeur de taxi, comme au client du troquet qui régulièrement ne peut s'empêcher d'affirmer sans même l'interroger, «Vous, vous êtes le fils d'Alain Delon», Ari Boulogne répond