De longs doigts nerveux qui courent sur un clavier en braille. Un visage stoïque. Des yeux dissimulés derrière des lunettes fumées, version Chips en plus classe. Une voix qui se lance, chaude, profonde, qui tressaille puis accélère. Bachir Kerroumi est seul. Seul pour soutenir sa thèse devant une salle comble du Conservatoire des arts et métiers (Cnam). Son port de tête est rigide, posé. «Loin d'un Gilbert Montagné, aveugle de naissance, cherchant à fixer l'origine des sons en dodelinant de la tête», explique-t-il fièrement. La bouche collée au micro, l'ingénieur de recherche présente un pavé de 200 pages qui lui a demandé trois ans d'efforts. Un sujet à l'énoncé aride: «Les déficiences du management face au handicap». Mais qui évoque un problème désespérément banal: l'exclusion des handicapés, physiques ou mentaux, du monde du travail. Problèmes d'intégration, manque de compétitivité: autant de préjugés que ce chercheur de 41 ans démonte un à un. Avec un argument en béton: sa réussite personnelle. Son maître de thèse, Michel Fardeau, en fait un Mandela des handicapés, qui «lutte contre l'apartheid dans les entreprises».
L'histoire de Bachir Kerroumi ferait volontiers pleurer dans les chaumières et offrirait un bon scénario pour série B américaine dégoulinante de bons sentiments. Il était une fois un immigré maghrébin, devenu aveugle à l'âge de 18 ans, qui a préféré se battre plutôt que de s'enfoncer dans le désespoir où sa rétine meurtrie l'avait entraîné. Lacrymal? Sûrement