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Libération
Portrait

L'exorciste

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publié le 23 mai 2001 à 0h58

Yolande attrape une série de clichés qui traînent sur son bureau. «C'est la fosse où ont été enterrés mes enfants», explique-t-elle. Puis elle passe à autre chose. Reprend un peu de café. Allume une cigarette. Cherche ses clés, son téléphone portable, rit d'être décidément si bordélique. Yolande rit souvent. Elle a un regard malicieux, une grâce enfantine. On s'en étonne, comment fait-elle? Yolande Mukagasana, 46 ans, est rwandaise. Elle vit à Bruxelles. Mais la plupart du temps elle parcourt le monde, pour raconter son histoire qui ressemble à une descente aux enfers. En 1994 un génocide décime le Rwanda, petit pays de l'Afrique des Grands Lacs. 800 000 morts en s eulement cent jours. Yolande et les siens sont des Tutsis, la cible privilégiée des miliciens et des forces de l'ordre qui organisent les pogroms. Traquée, Yolande voit sa vie d'infirmière et de mère de famille brusquement basculer dans l'horreur. Pendant trois semaines, elle vivra cachée. Dans des buissons d'abord. Puis onze jours sous un évier. Et puis chez un colonel avec lequel elle noue une relation ambiguë avant de fuir vers un autre refuge. Elle survivra. Mais seule. Au lendemain du génocide, Yolande découvre qu'elle a tout perdu. Son mari, Joseph. Mais aussi ses trois enfants, Christian, Sandrine et Nadine. Et puis encore Hilde et Consolata, ses soeurs. Et enfin son petit frère, Nepo. Tous massacrés. C'est cette histoire, jour après jour, que Yolande s'acharne désormais à raconter. Nepo, un peu devin, le l

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