Dans l'interphone, André Téchiné indique l'étage et la porte: 5e, droite, donc. Par l'ascenseur. Qu'il n'emprunte jamais, pas plus que l'avion (ou alors engourdi de calmants) pour cause de claustrophobie endémique. André Téchiné a peur d'être enfermé. En l'occurrence, dans le cadre d'un portrait, genre qu'il estime relever d'un art bourgeois daté (portrait de famille, etc.).
Et de fait, il se dérobe à toute insertion dans les pages du roman familial. Il était une fois papa, maman, le Sud-Ouest, une petite ville du Tarn-et-Garonne, un pays de vignerons, la montée du jeune homme à Paris, sa découverte du cinéma, du journalisme (il fut critique aux Cahiers du cinéma de 1964 à 1967) et de l'homosexualité, les folles vacances romaines (années 70) dans le sillage de Pasolini, des amis au long cours, des inimitiés féroces. Autant de fragments privés dont il fera ultérieurement une mosaïque publique en une vingtaine de films à sa façon. On n'est pas plus avancé. D'autant qu'ici l'exercice est compliqué par la pratique d'une longue familiarité. Il dit qu'il n'aimerait pas être à notre place, qu'il ne nous voit pas dans le rôle, qu'on n'arrivera pas à résumer tout ce que l'on sait de lui ou que l'on peut deviner, qu'on se connaît trop, depuis bien longtemps. Mais déjà le plaisir de la conversation nous sort du cul-de-sac. Passé le seuil de la timidité, Téchiné est un dialoguiste hors pair, toujours penché vers les idées des autres, pour les enflammer et, par propagation, réchauffer les