Pourquoi lui? Pourquoi Laurent Vendange et pas l'un des autres «Bibs» qui racontent la réalité de la manufacture de Clermont-Ferrand dans un film de combat? Parce qu'il est jeune quand, en France, Michelin ne renouvelle plus beaucoup les générations ouvrières. Parce qu'il a une bonne tête d'épouvantail techno, à la pilosité farfelue qui ferait sûrement se dresser les derniers cheveux sur le crâne de François Michelin, incarnation perpétuelle de l'entreprise, même s'il a cédé les rênes dynastiques à son fils Edouard. Parce qu'il a la liberté de ton des sans-charge de famille, des sans-domicile (à crédit) fixe, de ceux qui ne roulent pas encore sur la jante. Parce qu'il a le bagout des brancheurs et des teufeurs, des loustics à la gomme et des malappris qu'on aimerait voir en réchapper. Parce qu'«il ne se vit pas comme une victime», dixit la réalisatrice. Parce qu'il est l'un des seuls non-syndiqués et que l'exposition est une protection comme une autre, même si on ne doute pas que la liberté d'expression soit garantie chez Michelin...
A l'écran, en réponse au patron de droit divin qui, dans un livre, avait exposé sa philosophie d'une entreprise catholique, apostolique et humaine (1), il raconte les corps déformés par l'ouvrage de ses collègues. Il épingle la fausse modestie du «père François» exhibant son badge à l'entrée, «comme s'il avait besoin de ça pour rentrer chez lui». Il dézingue la pingrerie de la commémoration du centenaire. Pas de prime, pas de banquet, juste un K-