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Libération
Portrait

L'insoumise

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publié le 3 janvier 2002 à 21h34

La rage et la cigarette. La rage, elle s'en nourrit depuis l'âge de 7 ans. La cigarette, elle en consomme trois paquets par jour. La cigarette la tue sans doute à petit feu mais elle s'en fiche. La rage lui injecte tant de vie qu'elle s'imagine que cela compense. A chacun sa stratégie de survie.

Gerd Fleicher survit. Inhale de la fumée, exhale la rage. Cette Norvégienne de 59 ans est une anomalie dans son paisible pays. Ces jours-ci, sa rage est dirigée contre le pouvoir en place. En novembre, sept Norvégiens étaient partie civile dans un procès contre leur gouvernement. Les sept premiers d'un groupe de 122 enfants, parmi lesquels Gerd Fleicher, nés de père soldat allemand pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ils portaient plainte pour les mauvais traitements subis de la part de la société après la Libération. Ils ont perdu en première instance. «Prescription», a dit la justice norvégienne. Ils ont fait appel.

9 000 à 12 000 enfants sont nés de cette «collaboration horizontale». A la Libération, leurs mères payèrent le prix de la honte, comme ailleurs en Europe: internement, tonte, mise au ban de la société. Mais en Norvège, la vengeance se retourna aussi contre les enfants. Les autorités psychiatriques les estampillèrent attardés mentaux. Beaucoup atterrirent dans des institutions spécialisées. Ils furent stigmatisés comme traîtres potentiels à la patrie, porteurs de gènes dangereux. Aujourd'hui, ces enfants réclament justice et réparation. «Des vies ruinées. J'ai vu le prix

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