Menu
Libération
Portrait

La clé du sol

Article réservé aux abonnés
publié le 19 mars 2002 à 22h38

Il veut n'être rien d'autre qu'un dengbêj, littéralement «une voix qui dit», un de ces bardes-conteurs itinérants qui, comme ses ancêtres, parcouraient les montagnes et les hauts plateaux du pays kurde transmettant de génération en génération la mémoire d'un peuple. «Grâce aux chansons, les Kurdes se souviennent du fait que Saladin était des leurs», souligne volontiers Sivan Perwer qui, lui, sillonne l'Europe chantant pour les siens dans les salles polyvalentes des périphéries de Düsseldorf, Hambourg, Malmö, Strasbourg ou Paris. Il lui arrive aussi de donner des récitals au Théâtre de la Ville pour un public différent, mais tout aussi fasciné par cette voix chaude, sensuelle, incantatoire qui évoque les tragédies et les espoirs des Kurdes ­ au moins 30 millions de personnes ­ toujours écartelés entre la Turquie, l'Irak, la Syrie et l'Iran. «Je crois que comme artiste je suis recordman de l'exil. Depuis vingt-six ans, je n'ai pu revoir ma terre natale et mon village près d'Urfa», explique le chanteur. Toujours, il est accompagné de deux ou trois amis ou musiciens de son groupe qui lui servent de gardes du corps car son parler vrai et son indépendance lui valent une haine tenace de certains groupes politiques kurdes. Quand il se promène dans les petites rues du IXe ou Xe arrondissement, fief de la diaspora kurde parisienne, les visages s'éclairent d'un sourire de connivence. Certains l'arrêtent et l'embrassent. D'autres n'arrivent pas à croire que c'est bien lui. Aux yeux des

Les plus lus