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Libération
Portrait

Postfrontière

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publié le 11 avril 2002 à 23h00

Au Mexique, on les appelle coyotes ou polleros (bouffeurs de poulets). Ce sont des passeurs qui, dans le meilleur des cas, contre une bonne somme d'argent, effacent la frontière pour les clandestins. Au pire, ils les abandonnent, dépouillés de leurs maigres économies, en rase campagne. Alfonso Marcial, ex-passeur, installé à Tijuana, se range lui même dans la catégorie des bons passeurs. Jamais ­ il le jure sur la tête de sa mère ­ il n'a «abandonné de femmes et d'enfants en plein désert».Pas comme certains de ses ex-collègues, capables pour 300 dollars d'emmener une famille de Guatémaltèques sur l'autoroute au Mexique et, une fois la barrière d'un péage passée, de les abandonner en leur disant : «Bienvenue sur la terre promise.» Alfonso n'a pas choisi de gaîté de coeur ce métier, «il faut bien gagner sa vie.» Il est né pauvre à Puerto Vallarta, station balnéaire pour Américains en goguette. «Mon histoire n'est qu'une histoire mexicaine», dit-il, sirotant un café au lait au bar d'un hôtel de Tijuana. Une histoire du tiers-monde, faite de débrouille, de magouille et de quasi-rédemption.

Le tiers-monde, d'abord. Alfonso a huit frères et soeurs. La famille cultive des légumes. Son père les abandonne alors qu'il a 8 ans. Pour vivre, sa mère émigre sur la côte Pacifique avec tous les mioches. Après l'école, Alfonso vend des poissons sur la plage. A 12 ans, il quitte l'école et remonte la côte Pacifique en enchaînant les petits métiers : vendeur de journaux, de poissons, presseur d