Tout ce qu'il peut, c'est rapporter quelques histoires. Le Groenland, la calotte glaciaire, ce qu'on y vit, ce qu'on y sent, «ça ne s'explique pas». Alors Janot Lamberton raconte celle de ce chef d'entreprise venu faire un voyage extrême dans la «beauté pure» du Groenland. L'homme posait une bible noire sur l'immensité blanche, la regardait piéger la lumière et s'enfoncer doucement. Un matin, l'homme avait disparu du camp. Janot Lamberton l'a découvert à plusieurs centaines de mètres, allongé au soleil. «Il voulait faire comme sa bible, disparaître. La mort est facile là-bas. Elle vient toute seule. Tu t'endors et tu ne te réveilles pas.» L'homme s'est réveillé différent : «La calotte, on n'en revient jamais tout à fait.»
Haroun Tazieff, son ami, l'avait surnommé «le glacionaute». La calotte, il l'explore par en dessous, en remontant le lit des bédières, rivières souterraines. Des dizaines de fois, il est descendu dans les «moulins», puits creusés par la fonte des glaces pendant les éphémères étés arctiques. C'est son monde bleu, celui qui ne se raconte pas, avec ses cathédrales souterraines aux parois étincelantes. A cent mètres de profondeur, il fait chaud, zéro à peine mais trente degrés de plus qu'en surface. La lumière de «dessus», le désert blanc irradié de soleil, se réfléchit à l'infini sur les parois, miroirs bleu sombre, illumine les stalactites translucides. Un autre univers, où le temps s'inscrit dans la masse, «les murs sont rayés en strates bleues et blanches. D